Corrida

La Miurada de toutes les questions

De la longue histoire de la présentation de la ganaderia de Miura à Béziers, il ne faudra certainement pas retenir celle du 15 août 2017. Deux pensionnaires de Zahariche (le lieu d’origine de cet élevage), remplacés, un troisième impropre au combat, et expédié rapidement par Juan Bautista et trois taureaux de réserve utilisés, dont le second a été renvoyé dans les corrales après quelques minutes.

On retiendra pourtant de cette Miurada trois moments forts. Le premier adversaire du torero de Murcie, l’un des spécialistes du combat contre cet élevage, Rafaelillo, s’est comporté parfaitement comme un Miura particulièrement dangereux, cherchant l’homme très rapidement, et se retournant comme un chat. Le maestro de Murcie a livré un combat court mais courageux, et s’il n’a pas obtenu de trophée à son premier taureau, le public a très largement ovationné cette première prestation.

Toute la quintessence du combat contre les Miura dans cette sortie de passe exécutée par Rafaelillo

Alternant avec Rafaelillo, Juan Bautista a très vite tiré le meilleur de son adversaire, lui aussi parfaitement dans le morphotype de cet élevage, avec de larges cornes, et cette longueur qui en fait la caractéristique essentielle. On connaît déjà la rigueur du torero arlésien, son sens de l’engagement, et dans cette confrontation nécessairement courte, tant les toros de Miura apprennent vite les règles du jeu, il a pu servir quatre séries de passes, et après une estocade très engagée, obtenir le premier trophée de l’après-midi.

Avec le deuxième taureau, on pouvait espérer que cet élevage tiendrait toutes ses promesses, et ferait oublier la corrida de la veille, avec ses Victorino Martin particulièrement décevants. Cela n’a pas été le cas hélas, preuve que les corridas, même avec des élevages prestigieux, ne remplissent pas toujours leurs promesses.

Pour le troisième taureau qui accuse une faiblesse majeure au niveau des antérieurs, le président de la corrida, Michel Daudé, sort pour la première fois le foulard vert demandant le remplacement du taureau. C’est donc le quatrième, toujours de l’élevage de Miura qui se présente à la sortie du toril, face à Rafaellillo, qui touche d’ailleurs un bon partenaire. Toujours très investi, engagé au plus près des cornes, le matador de Murcie a livré, comme d’habitude dirait-on, un combat courageux, allant chercher le Miura sur ses deux cornes, y compris la gauche particulièrement dangereuse.  Le torero obtient un trophée largement mérité malgré un premier échec à l’épée.

Le Seigneur aux pieds nus

C’est à partir du quatrième combat de Juan Batista que la situation a commencé à devenir confuse. Un problème de communication entre la présidence et les corrales a très largement entaché le déroulement du combat, le premier torero de remplacement qui a été attribué à Rafaelillo n’a pas transmis de grandes émotions, tandis que le second, attribué à Juan Batista a été, lui aussi, remplacé.

Le dernier taureau de la feria, issu de l’élevage de José Cruz de Salamanque a permis à Juan Bautista de montrer l’immense respect qu’il éprouve pour le public biterrois

Quelque part, c’est le troisième «sobrero », (le terme qui désigne les taureaux de réserve), qui a permis au torero arlésien de se montrer comme un grand seigneur. Face à un spécimen de la ganaderia de José Cruz, de Salamanque, il a voulu offrir au public, avec la générosité qu’on lui connaît, une sorte de spectacle de rattrapage, pour compenser la déception de l’après-midi.

Son combat a été exemplaire, et le taureau présentait de nombreuses qualités. Parfaitement coopératif, il a permis à Juan Bautista de « toréer le public », pieds nus, et exigeant la musique, pourtant une prérogative de la compétence du président de la corrida. Le public l’a évidemment suivi, et la faena très complète, malheureusement conclue par un échec au «recibir », lorsque l’épée portée dans le mouvement de la charge taureau, a enflammé le public. Très logiquement, et malgré un conflit ouvert avec la présidence, Juan Bautista a obtenu sa deuxième oreille de l’après-midi.

Les taureaux de Miura étaient superbement armés, mais seuls trois exemplaires sur six se sont révélés aptes au combat. Une remise en question majeure pour un élevage prestigieux

Il faut avoir l’honnêteté de dire que cette feria 2017 n’a pas été un grand cru. Les élevages pourtant prestigieux, de Nunez del Cuvillo à Miura en passant par Victorino Martin n’ont pas été à la hauteur de leur réputation. Même les Garcia Gimenez du 13 août ne se sont pas montrés exceptionnels. Difficile dans ce cas de faire porter une quelconque responsabilité aux toreros, pas plus que l’organisation de ces spectacles taurins. Les secrets de la corrida se trouvent dans cette sélection patiente à laquelle se consacrent les éleveurs pendant de longues années. Mais la vérité, et la réussite, se trouvent dans ces moments où le savoir des hommes se confronte à la sauvagerie de l’animal. Le taureau de corrida est un animal de combat, et les éleveurs savent que les décisions de croisement qu’ils prennent auront des conséquences sur plusieurs années. Ce qui fait de la corrida un spectacle unique, c’est qu’il n’y a aucune certitude. Il faut savoir l’accepter. Exiger le contraire serait signer à l’arrêt de mort de la tauromachie de tradition espagnole. Au-delà de la perte d’un patrimoine culturel, et des sensations esthétiques extraordinaires qu’il apporte, cela constituerait une atteinte majeure à la biodiversité, et à l’environnement. Il ne faut jamais oublier que les élevages de taureaux de combat sont des conservatoires de nature sauvage, ce que les « animalistes » et autres pseudos écologistes auraient tendance à oublier. En matière de préservation de la nature, un éleveur de taureaux a infiniment plus de mérite qu’un « écolo - bobo » enfermé dans sa bulle de certitudes d’enfant gâté dans un monde pasteurisé.

Bruno Modica

Bruno Modica est agrégé d'Histoire enseignant au lycée Henri IV de Béziers. Passionné de corridas, il intervient souvent aux arènes en tant que photographe taurin et fait profiter Béziers-Infos de sa vaste culture sur le sujet.

 

Novillada avec Picadors - Promesses tenues par la ganaderia des Monteilles

Pour cette Novillada avec picadors, ou des taureaux de moins de quatre ans sont combattus par des toreros qui n’ont pas encore pris l’alternative, qui leur permet de combattre des adversaires de quatre ans et plus, le public, malheureusement trop peu présent en fin de matinée, a pu voir un excellent spectacle, dont les pensionnaires de la ganaderia de Robert Margé étaient les acteurs principaux.

C’était déjà le cas lors des deux spectacles sans picadors, et notamment celui du 13 août, ou les becerros, (deux ans) se sont révélés aussi particulièrement intéressants.

Alors que la faiblesse des taureaux, pourtant issus d’élevage prestigieux, a été largement soulignée, les protégés du majoral Olivier Margé n’ont absolument pas déçu. Pour la novillada avec picadors, Ces taureaux qui affichaient tout de même entre 450 et 470 kilos, (très proche du poids de taureaux adultes de quatre ans et plus), se sont largement engagés face à l’acier du picador et ont largement permis aux novilleros de s’exprimer. Dans cette alchimie que représente le combat de l’homme face aux taureaux, la question fondamentale réside dans la capacité de l’homme à imposer sa volonté à son adversaire qui reste un animal sauvage, un combattant, en tenant compte de son potentiel. Au-delà des sensations esthétiques que le spectacle peut offrir, le public doit tenir compte des capacités du taureau, et des possibilités du torero à lui « servir » la faena adaptée. Cela est question d’expérience, de capacités techniques, de courage aussi.

Robert et Olivier Margé, avec Didier Lacroix. Le ganadero Robert Margé et son fils Olivier, le Majoral de l’élevage avec Didier Lacroix, personnalité majeure du monde de l’ovalie

Les taureaux de la ganaderia des Monteilles permettaient tous, très largement, de répondre aux attentes du public. Globalement, les trois novilleros, et particulièrement, Carlos Olsina,  le jeune biterrois qui se présentait pour la première fois au public, ainsi que Adrien Salenc, le jeune nîmois, non pas vraiment démérité. Ils ont obtenu chacun un trophée à leur deuxième novillo.

On espérait mieux du jeune vénézuélien, Jésus Enrique Colombo, qui a pourtant deux ans d’expérience dans le métier, en novillada piquée qui nous a semblé en dessous de ses adversaires. On aurait pu attendre une tauromachie un peu plus fleurie, notamment dans ce répertoire de passe de capote qui est la marque de fabrique des toreros latino-américains.

Jesus Enrique Colombo du Vénezuela s’est révélé comme un bon banderillero

Carlos Olsina n’a pas été très heureux à son premier taureau, mais n’a pas laissé passer sa chance face à son second adversaire. Il a servi une tauromachie rigoureuse, laissant suffisamment d’espace au novillo pour qu’il puisse déployer sa charge, et lui servir en alternance des «redondo », et des naturelles, (passes de la main gauche) bien inspirés.

  
Le novillero biterrois a pu montrer son savoir-faire pour la première fois en public face à des taureaux de plus de trois ans. On lui souhaite le meilleur pour la suite de sa carrière.  

Porté par son public, Carlos a obtenu son premier trophée. Un événement qui comptera pour l’avenir

 

Porté par son public, il a très logiquement obtenu de la présidence une oreille, la première de sa carrière de professionnel. Il lui reste maintenant à parcourir ce chemin difficile, celui qui conduit vers l’alternative, le moment où tout commence vraiment. On espère pour lui, comme pour les autres toreros biterrois qui ont succédé à Sébastien Castella, Tomas Cerqueira qui se rétablit d’une sévère blessure, et Cayetano Ortiz, qu’ils pourront entreprendre une carrière, et que les différentes arènes, en France, comme en Espagne, ouvriront leurs portes à ces toreros français. Ces derniers sont loin de faire pâle figure, pas plus que les élevages tricolores, à l’image de celui de Robert Margé qui a fourni, il faut le dire, les meilleurs adversaires de toute la feria.

Bruno Modica

Bruno Modica est agrégé d'Histoire enseignant au lycée Henri IV de Béziers. Passionné de corridas, il intervient souvent aux arènes en tant que photographe taurin et fait profiter Béziers-Infos de sa vaste culture sur le sujet.

 

Les Miura, la légende noire

Les amateurs de corrida éprouvent toujours une sensation particulière à l’évocation du nom de cet élevage dont l’ancienneté de présentation aux arènes de Madrid remonte à 1849. Si la plupart des taureaux présentés en corrida sont issus de divers croisements réalisés au fil des sélections, mais aussi des changements de propriétaires des élevages, les taureaux de Miuras sont issus d’une encaste ( une branche spécifique de la race des taureaux de combat) originelle, dont les origines remontent probablement à une sélection opérée dans les terres d’un monastère d’Andalousie.

La présentation des taureau de Miura est toujours particulière. Ils sont tout simplement plus grands, plus haut, plus longs, et plus armés que leurs congénères. Sur la balance les Miura accusent en général 100 à 150 kg, voire plus que les autres spécimens qui sont présentés en corrida.

Mais c’est leur comportement qui est sensiblement différent. Lorsqu’un taureau de Miura entre en piste, dans ce couloir (callejon) où se réunissent les professionnels, le silence s’installe. Car qu’avec ce type de taureaux tout peut arriver. Malgré leur masse ils peuvent se révéler très mobiles, et parfois sauter dans la contre piste, ce qui déclenche évidemment la panique que l’on peut imaginer.

Face au cheval, lorsqu’ils s’engagent face au picador, les murs ont souvent tendance à rechercher les parties hautes du groupe équestre, et beaucoup de biterrois se souviennent de séances de piques mémorables, ou les chevaux et le picador ont été mis en difficulté, même si les chevaux sont protégés par un caparaçon, ce qui leur évite de très graves blessures.

Face au torero, le comportement du Miura est également très différent. Ces taureaux de tous les superlatifs sont aussi considérés comme plus « intelligents », que tous les autres. Malgré leur taille et leur longueur, il se retournent, comme des chats, après la passe. Pour le matador, il n’y a pas de place à l’improvisation. La muleta doit être présentée avec la plus grande rigueur, et contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, un torero qui chercherait à prendre ses distances face aux cornes, se mettrait en danger. En effet, la vision périphérique du taureau lui permettrait de comprendre que l’adversaire ne se situe pas dans la muleta qui lui est proposée, mais dans la silhouette immobile qui se trouve à côté. On imagine évidemment la suite.

Si l’on parle de légende noire à propos des Miura, c’est que leur histoire a été jalonnée par de très nombreux accidents et blessures, dont la mort en piste, en 1947, de Manolete, le torero du siècle.

Un des six redoutables adversaires que Rafaellillo et Juan Bautista vont devoir affronter. Cette robe grise, cette tête large, et ces cornes largement déployées, sont la caractéristique des pensionnaires de la ganaderia de Zahariche.

Le public d’une Miurada, puisque même l’élevage donne son nom au spectacle, est à la recherche de sensations fortes. Il s’agit véritablement d’un combat, et Stéphane Fernandez Méca, un torero français qui les a souvent combattus parlait tout simplement lorsqu’il rentrait en piste « de faire la guerre ».

Le public doit avoir conscience que les toreros ne pourront pas, sauf exception rarissime, se livrer à un toreo artistique. Mais cela donne encore plus de valeur à ce spectacle. Parvenir, par son courage d’abord, par sa science et son pouvoir a peser sur le taureau pour le guider dans ses trajectoires, est en soi une performance. Celle-ci offre au public des sensations à nulles autre pareilles.

Il faut aller voir une corrida de corrida de Miura, car il s’agit sans doute de la tauromachie la plus authentique, celle dont l’origine remonte au fond des âges, le combat de l’homme face à la nature sauvage. Et parfois, dans ce combat, comme à plusieurs reprises dans la longue histoire des présentations de cet élevage dans les arènes de Béziers, il peut y avoir des moments magiques. C’était le cas l’an dernier, avec le triomphateur de l’édition 2016 de la feria, Rafaelillo, sorti en triomphe face à ces taureaux. Il sera évidemment présent pour ce 15 août, accompagné pour un mano à mano, (deux toreros au lieu de trois), par Jean-Baptiste Jalabert, Juan Bautista. Ce torero arlésien a toujours été présent dans les grands moments. Rigoureux, fondamentalement honnête et très respectueux de son public, il est très apprécié par les biterrois, plus qu’en Arles parfois diraient certains esprits taquins. Et a la particularité, tout comme son partenaire Rafaellillo de ne jamais reculer devant ses adversaires.

Au-delà du mérite, et du courage des hommes, (car tous les toreros n’affrontent pas les Miura), la qualité du spectacle dépendra, comme toujours, et cela s’est vérifié le 14 août, du comportement des taureaux, et de ce point de vue, rien n’est jamais certain.

L’alchimie d’une corrida repose certes sur les éléments que l’on met en présence, les taureaux et les toreros. Pour la transmutation, il n’y a pas de pierre philosophale qui marche à tous les coups, et c’est ce qui fait tout l’intérêt de la tauromachie, qui va au-delà du spectacle, car cette proximité avec le danger interpelle tout un chacun. Dans un monde aseptisé, ou dans nos pays développés, on recherche le risque zéro, la tauromachie nous rappelle à tous, à notre condition de mortels. Le sacrifice du taureau en piste, cet animal symbole de force brute, opposée à la diligence de l’homme, nous interpelle toujours quelque part.

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Bruno Modica

Bruno Modica est agrégé d'Histoire enseignant au lycée Henri IV de Béziers. Passionné de corridas, il intervient souvent aux arènes en tant que photographe taurin et fait profiter Béziers-Infos de sa vaste culture sur le sujet.

 

Le 15 août : la journée des toros - Novillada piquée

Journée de clôture de la feria de Béziers, le 15 août permet de découvrir deux spectacles tauromachiques qui ont chacun leur particularité. En fin de matinée, c’est une novillada piquée, de l’élevage de Robert Margé qui sera opposée à trois jeunes toreros, des novilleros en fait, dont le jeune biterrois qui débute ce jour même dans la discipline, Carlos Olsina.

Les novillos sont des taureaux ayant passé trois ans, parfois proche de quatre, mais ne sont pas considérés comme des taureaux adultes. Légèrement plus petits en gabarit que leurs aînés, ils sont surtout différents par le comportement en piste. Un novillo se montre beaucoup plus mobile, et peut permettre, relativement souvent, de livrer une tauromachie plus spectaculaire.

Les toreros sont originaires d’Amérique du Sud, avec le Vénézuélien, Jésus Enrique Colombo, âgé de 20 ans, de Nîmes, avec Adrien Salenc. Carlos Olcina, natif de Béziers et un pur produit de l’école taurine de cette ville.

On peut espérer beaucoup de cette novillada, surtout après l’épisode que l’on peut qualifier de calamiteux du retour des Victorino Martin de la veille. Avec les taureaux de l’élevage de Robert Margé, sur lesquels veille son Majoral, qui n’est autre que son fils, Olivier Margé, on peut avoir une certitude pour ce qui concerne la magnifique présentation de ce bétail. Issu d’une sélection qui a commencé il y a maintenant 25 ans, associant des taureaux piquants comme les Cebada Cago, et des partenaires propices à l’expression artistique, comme les Santiago Domecq et les Nunez del Cuvillo.

Le mayoral, Olivier Margé verra combattre ses taureaux en piste. De leur comportement dépendront les sélections futures de l’élevage.

Présentés en novillada avec picador, les pensionnaires de la ganaderia des Monteilles ont rarement déçu. On peut supposer que face à de telles adversaires, le jeune biterrois qui commence effectivement sa carrière de professionnel aura tout à prouver ce qui devrait motiver ses partenaires de cartel également.

Cela peut donner un très beau spectacle, et dans la longue histoire des corridas du 15 août, la novillada du matin a très souvent été un grand moment de tauromachie.

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Bruno Modica

Bruno Modica est agrégé d'Histoire enseignant au lycée Henri IV de Béziers. Passionné de corridas, il intervient souvent aux arènes en tant que photographe taurin et fait profiter Béziers-Infos de sa vaste culture sur le sujet.

 

« Corrida de expectation, corrida de decepción»

Faut-il être hispanophone pour comprendre le désappointement du public des arènes qui attendait le retour de cet élevage prestigieux depuis 25 ans dans les arènes de Béziers ?

Superbes de présentation, parfaitement dans le type de Santa Coloma, les pensionnaires de l’élevage de Victorino Martin ont déçu, dès le passage face au picador, et se sont éteints progressivement, ne permettant pas aux toreros de s’exprimer.

Il faudrait vraiment rentrer dans le détail pour trouver quelques sensations à cet après-midi comme la tauromachie peut parfois en proposer. En la matière, il n’y a pas de certitude. Les trois premiers taureaux de l’après-midi, qui arrivaient avec un certain entrain en piste, qui ont subi deux rencontres avec les piques, pourtant parfaitement dosées, se trouvaient dénués de toute charge, et le public exprimait très vite son mécontentement en exigeant des toreros qu’ils abrègent ce qui devenait très vite ennuyeux.

Des taureaux superbes de présentation, qui sont loin d’avoir tenu toutes leurs promesses

Les trois autres taureaux ont montré, surtout le cinquième et le sixième, un peu plus de force. Les toreros ont dû éviter de les solliciter à la muleta pour éviter leur chute, ce qui a d’ailleurs joué un très mauvais tour à David Mora qui s’est obstiné à son cinquième taureau à lui servir des passes linéaires qui ne l’ont pas préparé à la mise à mort. Cela a donné plusieurs tentatives à l’épée, particulièrement désolantes.

Les trois toreros n’ont pourtant pas démérité, et ils étaient probablement aussi dépités que leur public devant la faiblesse de leurs adversaires. Manuel Escribano a dû abréger son premier taureau, et a pu à peine servir quelques séries de derechazo à son second. Mehdi Savalli n’a pas été plus heureux à son premier taureau, pas plus que David Mora.

Avec cette pose de banderilles, al violin , Mehdi Savalli a essayé d’enflammer les arènes. Mais c’était mission impossible

 

Parmi les moments toujours spectaculaires, l’alternance des deux toreros banderillero, Escrivano et Savalli a pu un temps enflammer le public, mais cela retombait très vite en même temps que le mental des taureaux.

Torero banderillero, Manuel Escrivano a dû prendre des risques, près des barrières, pour cette pose difficile, face à un taureau dénué de charge

Il arrive parfois que les corridas déçoivent. Ce spectacle a la particularité de réunir des paramètres extrêmement complexes. Quel sera le comportement des taureaux ? Parce que c’est de celui-ci que dépend la qualité du spectacle. Les toreros seront-ils au niveau de leurs adversaires ? Cela est aussi lourd d’incertitudes. C’est ce qui fait de la corrida un spectacle unique, qui offre des sensations à nul autre pareilles, et qui parfois déçoit.

Mais ce qui caractérise l’aficionado, (la personne qui s’intéresse à tous les aspects de la tauromachie), c’est qu’il a la particularité de croire au Père Noël, en période de feria, aux alentours de 18 heures. Tout peut arriver ! Le pire, et parfois même la tragédie, mais aussi le meilleur, et à l’aficionado déçu on pourra toujours dire qu’il y aura encore des taureaux demain, et certainement de grands moments.

Pendant la corrida, le majoral, le responsable de l’élevage dont les taureaux combattent en piste est toujours présent. Sur un petit carnet de notes, il enregistre le comportement de ses pensionnaires. Car il est le seul à connaître leur histoire, leur lignée. Il y a de fortes chances après cette corrida du 14 août que les géniteurs des taureaux qui ont  présentés à Béziers ne soient eux aussi livrés à la boucherie. Car la corrida repose sur une sélection patiente, commencée sur près d’une décennie. Une corrida aussi décevante a forcément des conséquences sur l’élevage, et amène l’éleveur à effectuer d’autres choix dans ses sélections.

Le cinquième taureau de l’après-midi qui a été reçu par David Mora aurait pu permettre probablement au matador de s’exprimer différemment. Mais dans un tel contexte, cela devenait difficile

L’élevage de Victorino Martin avait été absent des arènes de Béziers pendant 25 ans. Ils ne se sont pas illustrés pour leur grand retour. Il faut espérer ne pas attendre un autre quart de siècle pour retrouver cet élevage qui reste tout de même une référence pour les amateurs de corrida de respect.

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Bruno Modica

Bruno Modica est agrégé d'Histoire enseignant au lycée Henri IV de Béziers. Passionné de corridas, il intervient souvent aux arènes en tant que photographe taurin et fait profiter Béziers-Infos de sa vaste culture sur le sujet.

 

Les Victorino, la référence des connaisseurs !

Si les deux premières corridas de la féria ont permis de découvrir des toreros particulièrement bien placés dans la hiérarchie de la profession, le spectacle proposé ce 14 août par l’empresa Robert Margé mérite assurément le détour. Les taureaux qui fouleront le sable de l’arène en cette fin d’après-midi sont issus d’un élevage d’exception, celui de Victorino Andres Martin.

Les taureaux qui sortiront en piste sont le résultat d’un patient travail de renaissance qui a commencé il y a plus de 50 ans. Victorino Martin retrouvait les souches originales d’une branche qui avait été largement décimée pendant la guerre civile espagnole, celle des Saltillo, une branche issue de ce que l’on appelle une encaste, celle de Santa Coloma.

Les toros de cet élevage sont reconnaissables à leur tête très particulière, avec un museau plutôt fin, une conformité très athlétique, et dans la plupart des cas une armure qui inspire le respect.

Un exemplaire de la corrida du 14 août, parfaitement dans le type de cet élevage d’exception

Ces toros peuvent permettre les plus grands triomphes, car ils se caractérisent par leur bravoure, notamment face à la pique, et ils conservent, dans toutes les phases du combat, une grande mobilité. Ce sont des adversaires qui peuvent se montrer particulièrement piquants, et qui demandent aux matadors un investissement total. Face à un Victorino Martin, ce qui marque en premier, c’est la mobilité de son regard. Le torero qui ne serait pas parfaitement positionné face à un tel adversaire pourrait très vite « perdre ses papiers », c’est-à-dire se faire déborder, et finalement se mettre en danger.

Robert Margé, l’empresa des arènes de arènes de Béziers propose une corrida qui peut se révéler riche en émotions

Pour combattre ce bétail, il faut faire preuve d’une extrême rigueur. Il est indispensable de livrer une tauromachie très engagée, en se croisant face aux cornes, et en imposant la trajectoire au toro.

Les torero présentés cet après-midi sont parfaitement aptes à s’exprimer devant de telles adversaires. Manuel Escrivano est connu à Béziers depuis longtemps, et après une éclipse dans sa carrière, revient en se spécialisant dans ce que l’on appelle « les corridas dures ». Torero très complet, il pose ses banderilles, il s’engage totalement, et il peut transmettre énormément d’émotion au public.

Manuel Escribano

C’est également le cas de l’arlésien que les biterrois connaissent bien également, Mehdi Savalli. Torero particulièrement courageux, communiquant avec le public, notamment lors des poses de banderilles, il peut enflammer les arènes, tant son engagement se révèle total. Encore une fois, face aux Victorino Martin, il devra faire preuve de la plus grande rigueur, notamment lorsqu’il prendra l’épée et la muleta.

Mehdi Savalli

David Mora est également un très fin torero. Très élégant dans ses postures, et pourtant lui aussi abonné aux « corridas dures », il dégage dans son toreo une impression de facilité, alors que ses adversaires cherchent à peser sur lui. Il se montre toujours particulièrement serein, quels que soient les fauves qui lui sont opposés. Il peut, lui aussi, pour peu que le tirage au sort lui soit favorable, réaliser de très grandes choses dans ces arènes qu’il apprécie tout particulièrement.

David Mora

Une corrida de Victorino Martin est toujours dans une féria un moment fort. L’expression de « toros de combat » prend ici tout son sens. Ensuite, comme toujours en la matière, le destin décide.

» Pour en savoir plus sur la corrida du 14 août

Bruno Modica

Bruno Modica est agrégé d'Histoire enseignant au lycée Henri IV de Béziers. Passionné de corridas, il intervient souvent aux arènes en tant que photographe taurin et fait profiter Béziers-Infos de sa vaste culture sur le sujet.

 

Corrida du 13 août - La maîtrise artistique et le moment de vérité

Le très beau cartel de toreros opposés aux pensionnaires de l’élevage de Garcia Gimenez a pu, pour cette deuxième corrida de la feria 2017, largement satisfaire le public à la recherche de sensations esthétiques, avec des toreros situés vers les sommets du classement de leur discipline.

À l’exception du premier, plutôt faible, tous les taureaux se sont présentés deux fois face au picador, et le dernier de l’après-midi s’est révélé particulièrement intéressant.

Le maestro des maestros Enrique Ponce n’a pas été favorisé par le tirage au sort, et il a dû, avec toute la maîtrise qui le caractérise, toréer à mi-hauteur le premier toro de l’après-midi, sur un terrain très réduit. On a retrouvé ici les immenses qualités de ce matador dont l’expérience lui a permis de littéralement inventer un taureau et de proposer des séries de passe réglées au millimètre. Malgré une pétition du public que l’on pouvait considérer comme majoritaire, la présidence n’a pas reconnu la qualité de son engagement. À notre sens, une oreille n’aurait pas été déméritée. Cela pose d’ailleurs la question de l’attribution des trophées. Tous les taureaux ne permettent pas de livrer une tauromachie complète, mais le public, et a fortiori la présidence d’une corrida, particulièrement éclairée, doivent reconnaître la capacité du torero à s’adapter à un taureau qui ne présente pas d’exceptionnelles qualités. C’était évidemment le cas du premier Toro de l’après-midi, et Enrique Ponce lui a opposé son immense savoir et son respect du public. Beaucoup de matadors ne se seraient pas engagés autant et auraient beaucoup plus vite abrégé le combat. Cela n’a pas été le cas du maestro de Valencia et l’ovation du public, à deux reprises, et au moment de sa sortie a montré que finalement cet engagement avait été reconnu.

Toute la maîtrise du maestro des maestros dans cette naturelle à mi hauteur, indispensable face à un adversaire plutôt faible

Mieux servi pour son deuxième taureau, montrant toutes les facettes de son « savoir », le maestro a été particulièrement malheureux à la mise à mort, ce qui l’a privé de trophées que le public lui aurait attribués très probablement.

Le triomphateur de l’après-midi, (une oreille à son premier Toro, et deux oreilles à son second), a été incontestablement le jeune péruvien de 21 ans, Andres Roca Rey. Le tirage au sort, que l’on appelle sorteo et qui attribue une paire de taureaux à chaque matador, a été particulièrement favorable à Andres. Contrairement à ce que l’on pouvait attendre, il s’est concentré sur la faena et ne s’est pas livré à sa démonstration habituelle de passes de cape qui sont la marque des toreros d’Amérique du Sud. Sans doute voulait-il, très opportunément, conserver tout le potentiel de ses deux adversaires, et il a commencé ses deux combats  avec une certaine douceur, servant des séries de passe de facture très classique, avant de s’engager avec une grande détermination, et suscitant, surtout à son second toro, l’enthousiasme du public. Présent pour la seconde fois consécutive au cartel de la feria de Béziers, Roca Rey a répondu aux attentes et très logiquement est sorti par la grande porte des arènes.

Servi par un remarquable adversaire, Andres Roca Rey a pu exprimer la fougue de sa jeunesse, mais aussi proposer une tauromachie très classique, et à certains égards inspirée

Alejandro Talavante a vite tiré le meilleur de son premier adversaire, plutôt coopératif, et ne présentant pas de difficulté particulière. Construisant une faena vers le centre de la piste, il a pu donner une mise à mort rapide, qui lui a permis d’obtenir logiquement une oreille. Le style de Talavante est particulièrement épuré, très précis dans l’exécution des passes, mais il aurait peut-être été possible d’éviter, sur ses deux taureaux de l’après-midi que les faenas soient pratiquement identiques. Très malheureux à la mise à mort de son deuxième adversaire, il n’a pu, logiquement, obtenir un second trophée.

Une sortie de passe naturelle, (à gauche), à hauteur de poitrine (pecho)

Les taureaux de l’élevage de Garcia Giménez se sont révélés dans l’ensemble, moyen de force. S’ils ont eu deux rencontres au cheval, celles-ci ont été parfaitement dosées, et seul le dernier tour de l’après-midi, récompensé par une vuelta posthume s’est engagé contre le picador avec beaucoup de force. D’origine Juan Pedro Domecq, ces taureaux sont bien présentés, bien armés, et en dehors du premier, particulièrement faible, on peut permettre aux toreros de s’exprimer. Cette seconde corrida de la feria, si elle n’a pas été exceptionnelle, a permis une belle après-midi de taureaux, avec tous les aléas qui sont indissociables de ce spectacle. À quelques centimètres près, une estocade concluante, au moment de la mise à mort, permet l’attribution de trophées. Une conclusion maladroite fait perdre en quelques secondes tout le bénéfice d’une faena particulièrement bien construite.

Triomphateur de l’après-midi avec trois oreilles, le torero péruvien a été adopté par le public biterrois

C’est aussi une des particularités de la corrida, malgré l’engagement, malgré le courage, malgré l’expérience et le savoir, dans ce moment que l’on appelle « l’instant de vérité », le destin peut contrarier toutes les certitudes. Enrique Ponce et Alejandro Talavante qui sont loin d’avoir démérité, en ont fait l’expérience. Leur benjamin, Andres Roca Rey, encore une fois, très bien servi, par le tirage au sort, a pu très largement en profiter, et répondre ainsi, avec l’enthousiasme de sa jeunesse, aux attentes du public.

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Bruno Modica

Bruno Modica est agrégé d'Histoire enseignant au lycée Henri IV de Béziers. Passionné de corridas, il intervient souvent aux arènes en tant que photographe taurin et fait profiter Béziers-Infos de sa vaste culture sur le sujet.

 

Une novillada d'exception

Les amateurs qui ont eu la bonne idée, malgré les festivités et la courte nuit de la veille, de se présenter aux arènes de Béziers ce dimanche 13 août à 11 heures, auront incontestablement vécu un très grand moment de tauromachie.

Le directeur des arènes de Béziers, Robert Margé, est aussi éleveur de taureaux de race espagnole, et son fils Olivier gère lui aussi le domaine, et les 500 pensionnaires qui permettent à la ganaderia de Monteilles de présenter plusieurs corridas dans l’année depuis 1993. Présenter les taureaux de son élevage, lorsque l’on est l’empresa des arènes, (l’organisateur des spectacles tauromachiques), n’est jamais facile.

Les pensionnaires de la ganaderia sont cette année présentée en novillada sans picador à deux reprises, et pour la novillada piqûre du 15 août au matin.

Le deuxième adversaire issu de la ganaderia des Monteilles avait les comportements d’un grand taureau

Le lot présenté ce 13 août était littéralement exceptionnel. Ces becerros, (le terme qui désigne les taureaux de deux ans), ont permis aux quatre élèves des écoles taurines de Madrid, de Saragosse, de Toledo et de Navarre de s’exprimer pleinement. Le second becerro combattu par Alfonso Ortiz de Saragosse avec les comportements d’un très grand taureau, capable de suivre la muletta  avec constance, et demandant à son adversaire beaucoup de rigueur. Rares sont les novilleros qui ont la chance de rencontrer de tels adversaires en début de carrière. Alfonso Ortiz a vu assez rapidement le potentiel de son adversaire et a pu exprimer ses capacités de combattant, proposant de très belles séries de passes, à la grande satisfaction du public. Très opportunément, et avec une très large pétition du public, ce becerro a été gratifié d’un tour de piste posthume, que l’on appelle la vuelta et que la présidence ordonne avec un foulard bleu.

Olivier Margé, le majoral de l’élevage familial a d’ailleurs laissé les petits-enfants de Robert Margé, dont sa propre fille âgée de cinq ans, faire le tour de piste avec le novillero.

Ce novillo d’exception a été honoré d’une vuelta posthume

Parmi les triomphateurs de cette novillada sans picador, le public a pu apprécier le savoir-faire du jeune madrilène, Juan José villa, deux oreilles, et celui de Alejandro Adame de Toledo, deux oreilles également. Le premier novillero en piste, El Luri de Navarra a obtenu, a obtenu, tout comme Alfonso Ortiz une oreille.

Assister à ce type de spectacle permet au public de s’initier véritablement à la tauromachie. Les élèves des écoles taurines ont évidemment à cœur de séduire le public, les comportements très rapides de ces taureaux qui ont à peine deux ans de proposer des passes qui sont beaucoup moins évidentes avec des adversaires plus massifs, et surtout beaucoup plus armés.

Ce sont les petits enfants de Roberts Margé qui ont accompagné, Alfonso Ortiz, le torero triomphateur pour le tour de piste

Pour le public qui souhaiterait faire cette expérience pour la première fois, sans parler de ceux qui étaient présents ce 13 août au matin, et qui voudraient la renouveler, une session de rattrapage est prévue pour le 14 août. Si les pensionnaires de la ganaderia des Monteilles sont du même niveau, il faudra s’attendre à un excellent moment de tauromachie.

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Bruno Modica

Bruno Modica est agrégé d'Histoire enseignant au lycée Henri IV de Béziers. Passionné de corridas, il intervient souvent aux arènes en tant que photographe taurin et fait profiter Béziers-Infos de sa vaste culture sur le sujet.

 

Deuxième corrida de la feria de Béziers - En première classe !

Une corrida repose sur la rencontre de taureaux et de toreros dont l’engagement dans ce qui relève à la fois du combat et de l’art permet au public d’éprouver des sensations esthétiques uniques. C’est dire l’importance, pour l’organisateur du spectacle, de choisir les acteurs les plus à même de s’adapter aux taureaux qui seront présentés en piste.

L’équipe de Robert Margé a mit la barre très haut pour cette deuxième corrida de la feria en réunissant trois matadors particulièrement en vue, face à un élevage de grande origine, dont les spécimens sont particulièrement adaptés au type de tauromachie pratiquée par Enrique Ponce, Alexandre Talavante et Andres Roca Rey.

Les taureaux de Garcia Jimenez, d’origine Juan Pedro Domecq, se sont révélés, lors des dernières temporadas, comme d’excellents partenaires, permettant aux toreros de s’exprimer pleinement. Bien présentés, ils sont habituellement aptes à suivre la muleta et se révèlent bien adaptés au type de tauromachie pratiquée par les trois maestros.

Le premier d’entre eux, Enrique Ponce est resté au sommet depuis un quart de siècle, son alternative date de 1990, et reste une référence incontournable de toutes les grandes férias. Comme torero le plus ancien de ce cartel, il sera le chef de lidia, celui sur lequel repose finalement la bonne coopération de tous les acteurs du spectacle. Paradoxalement, ce qui est la marque d’un grand torero, c’est la facilité, seulement apparente, avec laquelle il se présente devant ses adversaires. Cette aisance est liée à une maîtrise exceptionnelle de ce que l’on appelle « les terrains », (en espagnol on dirait le sitio), qui permet au torero de déclencher la charge de son adversaire et de lui imposer les trajectoires qui lui permettent de littéralement « construire » son toreo. Enrique Ponce, séduit aussi par sa très grande lucidité, et par sa capacité à véritablement tirer le meilleur de ses adversaires. En ayant gracié trois taureaux en 2016,  il a montré qu’il restait au sens littéral du terme « le maître ». Car si un taureau peut sortir vivant des arènes, cela signifie que le torero a pu révéler tout le potentiel de l’animal, et permet ainsi à l’éleveur de le conserver éventuellement comme reproducteur.

Toute la maîtrise du professeur Ponce dans ce redondo où le taureau subit cette passe circulaire qui le contraint à suivre la muleta

 

Alejandro Talavante qui a pris son alternative en 2006 propose, une tauromachie épurée, très rigoureuse, et il parvient à imposer aux taureaux sa volonté. Présent dans toutes les grandes férias, Talavante avait séduit le public biterrois l’année dernière, et sa présence en piste permet d’augurer une prestation de qualité. Bien entendu, il n’y a pas dans ce domaine de garantie absolue, puisque le comportement du taureau détermine finalement les possibilités du maestro d’interagir pour construire la faena. (  La troisième phase du combat où le matador utilise la muleta).

Une passe du répertoire, la manoletina, exécutée par Talavante. En fin de faena, le taureau passe au plus près, dans une trajectoire rectiligne face à un torero immobile

 

Le péruvien Andres Roca Rey est le benjamin de ce cartel. Il a pris son alternative, (la cérémonie qui permet le passage au statut de matadors de toros de plus de quatre ans), à Nîmes en 2015. Il avait alors 18 ans. Il associe la fougue de sa jeunesse à une maîtrise exceptionnelle de toutes les phases du combat. Comme la plupart des toreros sud-américains il est particulièrement attentif aux passes exécutées avec le capote, ( la cape de travail tenue à deux mains, utilisée avant l’entrée des picadors). Son répertoire dans ce domaine est particulièrement varié. À la Véronique, très classique, qui demande beaucoup de douceur d’exécution, face à un taureau en pleine vitesse, à la sortie du toril, Roca Rey peut ajouter des chicuelina, (lorsque le corps s’enveloppe dans la cape, faisant passer le taureau au plus près), et des serpentina, un exercice particulièrement difficile où le capote ondule littéralement, au moment de la charge.

Beaucoup de sérénité chez Andres Roca Rey dans cette exécution de la passe de cape face à un taureau en pleine charge

 

Tout est réuni pour offrir au public une corrida d’exception. Mais dans ce domaine, il faut rester modeste, il n’existe pas véritablement de certitude. Dans les milieux éclairés de la tauromachie, on parle de grande corrida sur le papier. Mais sa grandeur ne se révèle vraiment que sur la piste, et là, parce que la corrida demeure un spectacle vivant, au sens premier du terme, qui associe l’intelligence de l’homme à la nature sauvage, tout peut arriver. Et c’est sans doute la raison essentielle pour laquelle la corrida est un spectacle unique qui ne mérite assurément pas l’indignité des attaques dont il est l’objet périodiquement. La présence du public, plus massive cette année, que l’année dernière, dans les arènes comme dans la ville en fête, est sans doute la meilleure des réponses à ceux qui voudraient remettre en cause cette tradition ancrée dans certaines cités du Midi de la France, et qui s’affiche comme à Béziers, sur le fronton des arènes, « ville de tradition taurine ».

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Bruno Modica

Bruno Modica est agrégé d'Histoire enseignant au lycée Henri IV de Béziers. Passionné de corridas, il intervient souvent aux arènes en tant que photographe taurin et fait profiter Béziers-Infos de sa vaste culture sur le sujet.

 

Première corrida de la feria de Béziers - 12 août 2017

La corrida d’ouverture a permis de découvrir la cavalière nîmoise Léa Vicens dont les chevaux, magnifiquement présentés, foulaient pour la première fois le sable des arènes de Béziers. Facette spécimens de l’élevage de Fermin Bohorquez, la caballera en plaza ont montré qu’elle s’inscrivait très largement comme l’héritière de Marie Sara mais avec un style qui n’était pas sans rappeler celui du maître incontesté de la discipline, Pablo Hermozo de Mendoza.

Une caballera en plaza que le public biterrois aura sans doute plaisir à revoir

Son premier taureau, plutôt cours de charges, ne lui a permis de déployer l’étendue de son art, même s’il a pu montrer, au-delà de la technique équestre, de vraies qualités de torera. On a pu apprécier notamment des poses de banderilles courtes, au plus près des cornes du taureau, et surtout une très belle série de quiebro, lorsque le cheval s’élance contre la charge de son adversaire, et change de trajectoire au dernier moment.

Comme Mendoza, Léa manie ses chevaux avec la plus grande douceur. Ce n’est pas si fréquent dans la discipline ou le cheval est durement mis à contribution. On a pu apprécier la prestation de ses compagnons dont les noms étaient annoncés au public au moment de leur entrée en piste. On a pu retenir Bazuka, Guitara et Greco qui composaient une partie de la cavalerie de Léa Vicens. Son premier adversaire ne lui a pas permis de triompher, tandis que son second, avec de vraies qualités de combattant, lui a permis de couper une oreille très largement pétitionnée par le public.

Léa Vicens maîtrise parfaitement l’exercice avec des chevaux magnifiquement présentés qui sont des partenaires dans ce qui demeure un combat au plus près des cornes du taureau

Rien n’est laissé au hasard dans cette tauromachie, pas plus la façon dont le cheval est conduit au combat, que la posture très élégante de la cavalière dont on imagine sans difficulté le travail particulièrement rigoureux, pour fournir un spectacle de cette qualité.

C'est en pleine vitesse que l’estocade est portée au taureau, ce qui suppose une maîtrise des trajectoires et du comportement de la monture

Le public ne s’est pas trompé, notamment lorsque Léa a littéralement toréé ses adversaires en utilisant comme muleta la queue de son cheval, inscrivant des figures sur le sable de l’arène, très proches finalement, de la tauromachie à pied.

Sébastien Castella est toujours très concentré avant de rentrer dans l’arène

Confronté à quatre spécimens de l’élevage de Nunez del Cuvillo, Sébastien Castella qui remplaçait, au pied levé, José Mari Manzanares, indisponible pour cause de blessure, s’est retrouvé directement sur ses terres. Connaisseur des particularités de cet élevage, Sébastien Castella a pu livrer quatre faenas très complètes à des adversaires qui manquaient tout de même de force et que les picadors, aux ordres du maestro, ont tout particulièrement ménagés. Le torero biterrois voulait conserver le maximum de potentiel à ses adversaires qui se sont révélés tout de même particulièrement coopératifs.

Cela a permis à Sébastien de toréer au plus près, quasiment entre les cornes, en livrant de très belles séries de naturelles, notamment à son premier et à son troisième adversaire.

Le défi se situait plutôt dans la succession de deux paires de taureaux, en alternance avec la cavalière, et dans la difficulté de maintenir l’attention du public sur ce qui se passe en piste. Si l’on devait mettre une critique, bien entendu constructive, au maestro biterrois, peut-être celle-ci se situerait au niveau de la transmission en direction du public. Le risque existe bien entendu de chercher à susciter des réactions du public par des passes spectaculaires mais plutôt « faciles », mais quand on connaît la rigueur de Sébastien Castella, la maîtrise des terrains, acquise depuis près de 20 ans, cela n’est pas un grand risque. Le public a d’ailleurs suivi très largement son torero, tout comme la présidence, et au final avec trois oreilles, Sébastien Castella a pu sortir par la grande porte de ses arènes.

Toute la maîtrise du maestro biterrois dans ce derechazo où le taureau est littéralement aspiré par la muleta

On peut toutefois s’attendre à ce que la présidence, plutôt généreuse en matière de trophées, soit l’objet de quelques remarques, et de la même façon que le choix de présenter un seul torero à pied, soit également l’objet de critiques.

Avec trois trophées obtenus sur ses quatre adversaires, Sébastien Castella ouvre la grande porte des arènes de Béziers

Cela fait incontestablement parti de la tauromachie, et le public qui souhaiterait poursuivre cet échange la possibilité de se rendre aux différentes tertullias qui sont organisées par les différents clubs taurins de la ville. ( Cela désigne des discussions entre amateurs éclairés qui analysent la corrida après le spectacle.)

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Bruno Modica

Bruno Modica est agrégé d'Histoire enseignant au lycée Henri IV de Béziers. Passionné de corridas, il intervient souvent aux arènes en tant que photographe taurin et fait profiter Béziers-Infos de sa vaste culture sur le sujet.

 

Feria de Béziers, des taureaux à la fête !

Indissociables des festivités qui animent la cité de Pierre-Paul Riquet à partir du vendredi 11 août jusqu’au 15 août, les corridas sont au cœur de la feria de Béziers et lui donnent une signification particulière.

Sébastien Castella, l’enfant de Béziers, est toujours
très attendu par son public

Béziers est une ville de tradition taurine depuis la fin du XIXe siècle, avec le premier spectacle tauromachique donné dans les arènes de Béziers en 1897.

C’est aux environs de 20 heures, lorsque la corrida se termine, et que la foule commence à remonter vers l’avenue Saint-Saëns, que commence l’autre dimension de la fête ou des dizaines de milliers de personnes se retrouvent dans les rues, pour assister à toutes sortes de spectacles dans différents points de la ville.

Pourtant, c’est vers la fin de l’après-midi, lorsque les spectateurs se rendent vers les arènes, que commence ce moment très particulier, celui qui réunit des personnes de tous âges, de toutes sensibilités, de toutes conditions, pour vivre ce moment unique que représente la fête du taureau, ce que les Espagnols appellent « la fiesta brava ».

La société du plateau de Valras, gestionnaire des arènes de Béziers, dirigée par Robert Margé propose cette année quatre corridas, une novillada piquée et deux novilladas sans picadors. Les corridas ont lieu à 18 heures précises et il s’agit sans doute de la seule activité qui se déroule à Béziers qui commence effectivement à l’heure !

Le matin, le public qui souhaite s’initier, à moindre coût, aux bases de la tauromachie, pourra assister à 11 heures au novilladas sans picadors qui voient des élèves des écoles taurines, des apprentis toreros, affronter des taureaux de deux ans que l’on appelle en espagnol des becerros. Le 15 août, toujours à 11 heures du matin, ce sont des taureaux de moins de quatre ans, les novillos, qui sont combattus.

Pour affronter des taureaux de quatre ans et plus, il faut être « officiellement » matador de toros, c’est-à-dire avoir pris l’alternative, une cérémonie qui marque de façon irréversible ceux qui ont pu aller au bout de ce rêve.

Les spectacles proposés par l’équipe de Robert Margé devraient satisfaire les amateurs de toutes les facettes de la tauromachie de tradition espagnole.

La corrida d’ouverture associe un combattant à pied, l’enfant de Béziers, Sébastien Castella est une torera à cheval, la nîmoise Léa Vicens. L’organisateur d’une corrida doit associer, dans une savante alchimie les deux principaux acteurs de ce spectacle très particulier. La corrida mixte verra entrer en piste les taureaux de Fermin Bohorquez pour la cavalière, tandis que Sébastien Castella affrontera quatre exemplaires de l’élevage de Nunez del Cuvillo. Car ce sont bien les taureaux qui déterminent le spectacle. De leur comportement, de leur bravoure et de leur noblesse, dépendent largement les sensations esthétiques que le public pourra ressentir. Pour la tauromachie à cheval, l’élevage de Bohorquez a très largement fait ses preuves, et la cavalière devrait pouvoir montrer la qualité du dressage de ses montures qui sont de véritables chevaux toreros, entraînés pendant des années, à surmonter la crainte que les taureaux leur inspirent tout naturellement.

L’élevage de Nunez del Cuvillo est une référence pour ceux que l’on appelle « les toreros artistes », et Sébastien Castella s’est largement imposé dans ce domaine. Particulièrement nobles, c’est-à-dire suivant la muleta que le torero leur présente, les taureaux de cet élevage ont permis cette année de très nombreux triomphes. (133 toros - 111 oreilles - 5 queues - 1 toro grâcié).

La seconde corrida, celle du 13 août, verra la présentation à Béziers de la ganaderia (l’élevage), de Garcia Jimenez. L’origine de cet élevage, celui de Juan Pedro Domecq, devrait permettre aux trois matadors qui leur seront opposés de s’exprimer. Le public biterrois aura l’immense bonheur de retrouver celui que l’on appelle dans le milieu, le maestro des maestros, Enrique Ponce qui se situe, depuis son alternative en 1990, toujours au sommet de son art. Enrique Ponce que l’on appelle parfois « le professeur », a une conscience aiguë de sa responsabilité devant le public. Il cherchera, quels que soient les difficultés, la faiblesse d’un taureau, le vent, à tirer le meilleur de son adversaire. La précision de ses gestes, la connaissance qu’il a de son placement dans l’arène et de la conduite qu’il impose à son adversaire lui permettent de s’imposer depuis plus d’un quart de siècle dans toutes les arènes.

Le public biterrois pourra retrouver l’un de ses toreros favoris, Enrique Ponce

Ses compagnons de cartel ne sont pas les premiers venus. Certes plus jeunes, ils auront à cœur de donner le meilleur d’eux-mêmes en compagnie de Enrique Ponce. Il s’agit de Alejandro Talavante et du jeune Péruvien Andres Roca Rey. C’est un cartel exceptionnel que Robert Margé propose ce 13 août, et chacun dans leurs styles différents cherchera à donner le meilleur.

Le torero péruvien, Andres Roca Rey propose au public un répertoire de passe de cape extrêmement varié

Les corridas du 14 et du 15 août, qui seront présentés plus longuement dans un prochain article sont d’un style très particulier. Les élevages précédents sont réputés pour permettre habituellement aux toreros de s’exprimer, même s’ils demeurent des animaux sauvages et des combattants.

À partir du 14 août, avec les ganaderia de Victorino Martin et Miura, le public change véritablement de catégorie et le spectacle peut être complètement différent. Les spécimens de ces deux élevages demandent des toreros particulièrement rigoureux. Sans doute plus avertis, ils ont tendance à peser sur le torero qui doit littéralement s’imposer à eux pour les combattre. Face à ces spécimens, ce sont des toreros guerriers comme Manuel Escrivano, David Mora et l’arlésien Mehdi Savelli, face aux Victorinos, qui seront présents en piste.

La corrida de clôture verra un mano à mano, réunissant face aux mythiques taureaux de Miura, Rafaellilo triomphateur de l’édition 2016 de la feria de Béziers, et l’arlésien capable d’un engagement très entier, Juan Bautista que le public biterrois apprécie tout particulièrement.

Avec les quatre corridas de toros, le public pourra donc assister à plusieurs styles de tauromachie, en espérant y voir cette harmonie unique et ressentir ces sensations esthétiques qui font de la tauromachie de tradition espagnole un spectacle à nul autre pareil.

Après 20 heures, c’est une autre fête qui commence, et dans la convivialité, la joie et la bonne humeur, ceux qui auront pu assister aux corridas pourront en parler encore. Mais au-delà des corridas, c’est une ville en fête qui s’offre à ses visiteurs comme à ses habitants, et il conviendra d’en parler également.

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Bruno Modica

Bruno Modica est agrégé d'Histoire enseignant au lycée Henri IV de Béziers. Passionné de corridas, il intervient souvent aux arènes en tant que photographe taurin et fait profiter Béziers-Infos de sa vaste culture sur le sujet.