« Corrida de expectation, corrida de decepción»

Faut-il être hispanophone pour comprendre le désappointement du public des arènes qui attendait le retour de cet élevage prestigieux depuis 25 ans dans les arènes de Béziers ?

Superbes de présentation, parfaitement dans le type de Santa Coloma, les pensionnaires de l’élevage de Victorino Martin ont déçu, dès le passage face au picador, et se sont éteints progressivement, ne permettant pas aux toreros de s’exprimer.

Il faudrait vraiment rentrer dans le détail pour trouver quelques sensations à cet après-midi comme la tauromachie peut parfois en proposer. En la matière, il n’y a pas de certitude. Les trois premiers taureaux de l’après-midi, qui arrivaient avec un certain entrain en piste, qui ont subi deux rencontres avec les piques, pourtant parfaitement dosées, se trouvaient dénués de toute charge, et le public exprimait très vite son mécontentement en exigeant des toreros qu’ils abrègent ce qui devenait très vite ennuyeux.

Des taureaux superbes de présentation, qui sont loin d’avoir tenu toutes leurs promesses

Les trois autres taureaux ont montré, surtout le cinquième et le sixième, un peu plus de force. Les toreros ont dû éviter de les solliciter à la muleta pour éviter leur chute, ce qui a d’ailleurs joué un très mauvais tour à David Mora qui s’est obstiné à son cinquième taureau à lui servir des passes linéaires qui ne l’ont pas préparé à la mise à mort. Cela a donné plusieurs tentatives à l’épée, particulièrement désolantes.

Les trois toreros n’ont pourtant pas démérité, et ils étaient probablement aussi dépités que leur public devant la faiblesse de leurs adversaires. Manuel Escribano a dû abréger son premier taureau, et a pu à peine servir quelques séries de derechazo à son second. Mehdi Savalli n’a pas été plus heureux à son premier taureau, pas plus que David Mora.

Avec cette pose de banderilles, al violin , Mehdi Savalli a essayé d’enflammer les arènes. Mais c’était mission impossible

 

Parmi les moments toujours spectaculaires, l’alternance des deux toreros banderillero, Escrivano et Savalli a pu un temps enflammer le public, mais cela retombait très vite en même temps que le mental des taureaux.

Torero banderillero, Manuel Escrivano a dû prendre des risques, près des barrières, pour cette pose difficile, face à un taureau dénué de charge

Il arrive parfois que les corridas déçoivent. Ce spectacle a la particularité de réunir des paramètres extrêmement complexes. Quel sera le comportement des taureaux ? Parce que c’est de celui-ci que dépend la qualité du spectacle. Les toreros seront-ils au niveau de leurs adversaires ? Cela est aussi lourd d’incertitudes. C’est ce qui fait de la corrida un spectacle unique, qui offre des sensations à nul autre pareilles, et qui parfois déçoit.

Mais ce qui caractérise l’aficionado, (la personne qui s’intéresse à tous les aspects de la tauromachie), c’est qu’il a la particularité de croire au Père Noël, en période de feria, aux alentours de 18 heures. Tout peut arriver ! Le pire, et parfois même la tragédie, mais aussi le meilleur, et à l’aficionado déçu on pourra toujours dire qu’il y aura encore des taureaux demain, et certainement de grands moments.

Pendant la corrida, le majoral, le responsable de l’élevage dont les taureaux combattent en piste est toujours présent. Sur un petit carnet de notes, il enregistre le comportement de ses pensionnaires. Car il est le seul à connaître leur histoire, leur lignée. Il y a de fortes chances après cette corrida du 14 août que les géniteurs des taureaux qui ont  présentés à Béziers ne soient eux aussi livrés à la boucherie. Car la corrida repose sur une sélection patiente, commencée sur près d’une décennie. Une corrida aussi décevante a forcément des conséquences sur l’élevage, et amène l’éleveur à effectuer d’autres choix dans ses sélections.

Le cinquième taureau de l’après-midi qui a été reçu par David Mora aurait pu permettre probablement au matador de s’exprimer différemment. Mais dans un tel contexte, cela devenait difficile

L’élevage de Victorino Martin avait été absent des arènes de Béziers pendant 25 ans. Ils ne se sont pas illustrés pour leur grand retour. Il faut espérer ne pas attendre un autre quart de siècle pour retrouver cet élevage qui reste tout de même une référence pour les amateurs de corrida de respect.

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Bruno Modica

Bruno Modica est agrégé d'Histoire enseignant au lycée Henri IV de Béziers. Passionné de corridas, il intervient souvent aux arènes en tant que photographe taurin et fait profiter Béziers-Infos de sa vaste culture sur le sujet.