Daniel Mourre
infinie finitude
"Daniel Mourre dit à la fois la fin et les commencements de l’art. La vie, qui exige la fixation, ne fait pas chez lui continent habitable. Dans le même temps de la plus vive création, il fouille les confins de la finitude. Acculé aux extrêmes qui le hantent, il délivre à vif l’humanité de ses pauvres idéologies fabriquées. Si “le beau est dans la distance“ ( Simone Weil ), si l’homme a horreur des limites et de la finitude, sans limite, il n’y a pas de liberté. Sans limite, il n’y a pas de beauté.
Daniel Mourre se heurte à l’impensable qui sous-tend toute réflexion. “La vie est lourde d’impossible“ écrit Georges Bataille.
C’est dire que l’artiste ici prend tous les risques et s’attaque à l’essentiel. Comment dire la finitude de toute vie dans l’infini de la création ? Comment dire ce qui fait bloc entre le secret latent et le dicible partagé ? Entre l’opaque immense et le lumineux précaire ? Entre l’éphémère de l’humain et les silences de l’univers ? Entre la catastrophe approchante et l’infime survie ?
Daniel Mourre ose imaginer la fin de l’humanité. Serait-il donc le premier créateur d’un mouvement appelé à secouer toutes les inerties du monde, le FINITISME, incertain, inouï et engagé. Il se pourrait ! Et son art incandescent se nourrit de cette gageure prodigieuse, comment survivre à sa propre fin ? Pour lui, “la bouche d’égout devient une allégorie de l’homme“. Mais l’homme existe-t-il encore au cœur blessé des affres de l’humanité ?
Matière fragile et toujours déjà blessée, la rouille est son fabuleux territoire de création, sa peau intime et son miroir aveugle. Le combat pourrait être la source de toute chose. Création et autodestruction pourraient être enfin liés. “Comment vivre sans inconnu devant soi ? “ écrivait le poète René Char.
Daniel Mourre traverse l’humaine finitude comme on traverse les déserts de la vie. Sans aucune défense, en pure transparence, et en fabuleux dénuement. Sa création détruit d’avance tous les faux-semblants de l’existence.
“Que ce soient mes tableaux, mes cartons, mes plâtres, mes sculptures, mes papiers, mes tissus couleurs d’arrachage, mes toiles noires et blanches, toutes ces œuvres montrent la fin de quelque chose : Nous“.
Daniel Mourre affronte le vide. Il arrache à la vie des lambeaux d’être, nageant lentement, à coups de créations tendues, aux creux des renaissances invisibles. A mains nues, il creuse l’art comme on creuserait la tombe d’un dieu. Et chaque œuvre détruit la limite de l’enfermement. Ses créations sont les figures éphémères, inattendues et surgissantes, d’un ailleurs toujours présent, et d’un réel toujours en perdition. Daniel Mourre ose s’y perdre en infinie finitude.
Et l’œuvre éblouit l’étendue."