Et si l’Homme de Bessan était le plus vieil hominidé d’Europe ?
En 1951, des carriers ont découvert un squelette complet sous la coulée de lave du volcan du Mont Ramus à Bessan.
Le front de taille de la carrière se composait d’une couche superficielle de terre sous laquelle on trouvait un lit de 1.50 m de bombes volcaniques de 50 à 60 cm de diamètre. En dessous de ces boules se trouvait la coulée de basalte d’une épaisseur de 10 à 25 mètres, elle-même située sur une couche épaisse d’argile, de graviers et d’alluvions. C’est dans cette dernière partie que les carriers creusaient des galeries sous la coulée de lave que l’on appelait sous-caves. La galerie une fois terminée était minée. Les explosions provoquaient l’effondrement de la couche de basalte qui se brisait en de nombreux morceaux qui servaient, après être débités et taillés, à faire des pavés pour carreler les rues, ou des blocs pour la construction.
Carrière du Mont Ramus, ouvriers creusant des sous-caves.
Marcel Ref raconte : « Lors d’une excavation sous la coulée de lave je me suis trouvé avec mon co-équipier face à un squelette enseveli allongé sur le côté. Nous avons dû, pour poursuivre notre tâche, dégager le crâne, les os et les membres. Pour ne pas risquer d’arrêter l’exploitation de la carrière et éviter une enquête, le responsable du chantier nous a ordonné d’inhumer les restes récupérés sans les déclarer ». Cette histoire a été rapportée par tous les employés de la carrière témoins à cette époque
Témoignage de Marcel Ref affiché dans la mairie de Bessan.
De toute évidence ce squelette n’avait pu être recouvert que lors de l’éruption du volcan que l’on a datée à 750 000 ans. Cette découverte est troublante quand on sait que le plus ancien squelette entier et intact était celui d’un homme ayant vécu il y a seulement 37 000 ans.
Comment expliquer cet état de conservation ? Les sépultures volontaires - ou les corps auraient pu être préparés - ne datent que de 100 000 ans. On peut donc émettre l’hypothèse que l’homme de Bessan est mort noyé dans un marécage ou des sables mouvants qui l’ont englouti, protégeant ainsi son corps des charognards comme les hyènes qui abondaient à cette époque où le climat était tropical.
Reconstitution du paysage de l’époque.
Par la suite, la gangue d’argile a protégé le squelette et évité qu’il ne carbonise sous la coulée de lave.
En 2009, une nouvelle a fait le tour de l’Europe. La presse, revues scientifiques, journaux, titrait en français, anglais et même catalan : « Un site préhistorique exceptionnel a été découvert dans l’Hérault, à Lézignan-la-Cèbe : sous une coulée de basalte vielle de 1 570 000 années, se côtoient restes d’animaux et objets fabriqués ». Cette découverte se résumait à de très nombreux ossements d’animaux (bovidés, chevaux, rhinocéros, éléphants, tigres à dent de sabre, hyènes, rongeurs) et à deux galets considérés comme taillés par la main de l’homme. Ces traces d’activité humaine constitueraient les vestiges du plus ancien peuplement européen.
Le basalte de Lézignan-la-Cèbe provient du volcan de Neffiès vieux de 1 570 000 années, celui des monts Ramus date de 750 000 ans ; cela ne signifie pas que le squelette enfoui bien en dessous de cette couche soit de cette dernière période, il pourrait être bien plus ancien.
Qui pouvait être cet homme ?
- l’homo sapiens (ou de Cro-Magnon), c'est-à-dire nous, apparait en Europe il y a 40 000 ans ;
- l’homme de Néandertal (outils en pierre taillée, enterre les morts), 230 000 ans ;
- le plus vieux crane d’européen découvert à ce jour a 450 000 ans ;
- l’homme de Tautavel (Pyrénées Orientales), représenté par une seule dent, date de 550 000 ans ;
- l’homo « antecessor », le plus vieil hominidé d’Europe, aurait 1 200 000 années (machoire avec 4 dents découverte en Espagne);
- le premier « homme » est apparu en Afrique il y a 2 700 000 d’années.
L’homme de Bessan serait donc plus primitif que l’homme de Néandertal et plus ancien que l’homme de Tautavel. Il ferait partie de la lignée de « l’antecessor ». Il n’avait probablement pas la parole, fabriquait des outils rudimentaires (galets ou pierre éclatées) qu’il utilisait pour dépecer la viande, il était anthropophage.
L’homo antecessor cannibale, reconstitution.
En parodiant Yves Coppens, ma grand-mère m’aurait répondu (en espagnol !) : « Si toi tu descends de cet homme, moi sûrement pas, je ne suis pas Bessanaise ».
Si cette découverte avait été déclarée à l’époque, peut être que l’Homme de Bessan aurait été reconnu comme le plus vieil squelette d’hominidé d’Europe ? Imaginons les retombées pour le village de Bessan... !.