« La Mise au tombeau du Christ » de l'église Saint-Pierre de Bessan…
… De la reconnaissance patrimoniale à la restauration d'un rare décor éphémère religieux de la fin du XVIIe siècle.
Les campagnes de prospection de la Conservation des Antiquités et Objets d'art de l'Hérault ont permis d'identifier et de protéger par son classement Monument historique, en 1993, une grande peinture sur bois de la fin du XVIIe siècle, conservée dans l'église de Bessan. Propriété de la commune, l’œuvre nécessite aujourd'hui une attention particulière. A l'aide du « plan Objet » initié par la Conservation régionale des Monuments historiques (Drac Occitanie) en partenariat avec la Communauté d'agglomération Hérault-Méditerranée, un financement a été mis en place pour la conservation d'urgence de la peinture ainsi qu'une étude pour sa restauration.
Vue générale de la peinture.
Daté de la fin du XVIIe siècle, ce grand tableau (2,20 m x 1,55 m) représente La Mise au tombeau du Christ entouré de Marie, Joseph d'Arimathie, Nicodème, saint Jean l'Evangéliste et une sainte femme. Cette iconographie était l'un des sujets familiers des maisons religieuses avec la Déposition de Croix, la Déploration sur le Christ mort ou la Vierge de Pitié, des représentations largement diffusées par les ordres mendiants à partir du XIVe siècle, et généralement issues des Révélations de sainte Brigitte dans lesquelles les douleurs de la Vierge font écho à celui du Sauveur.
Vue générale du revers de la peinture.
La singularité du tableau de Bessan se situe dans sa bordure qui épouse les silhouettes des personnages bibliques, une conception originale qui indique qu'il s'agit d'un élément de décors éphémères religieux. Ces derniers, réalisés entre le XVIIe et le début XIXe siècles, illustraient les épisodes de la Passion dans des mises en scène théâtralisées, et étaient installés durant la Semaine sainte dans les églises comme les oratoires de Confréries. Exécutés sur bois ou sur toiles, ils sont localisés traditionnellement en Catalogne, en Ligurie ou en Corse, nommés respectivement « monument », « cartaleme » ou « sepulcru. »
Tombés dans l'oubli, dispersés et en partie détruits suite aux changements de pratiques religieuses au XXe siècle, ces décors éphémères sont redécouverts et étudiés au début des années 2000 et exposés en 2013 dans le cadre prestigieux du Palais ducal de Gênes. A l'appui du tableau de Bessan et des recherches le concernant, il est aujourd'hui possible d'ajouter le Languedoc comme autre centre de production de décors populaires sacrés de la Semaine sainte, appelé également « Monuments » dans notre région.
Détail du tableau.
-Le tableau de Bessan faisait à l'origine parti d'un ensemble plus conséquent, aujourd'hui perdu. L’œuvre se présente en six planches de bois assemblées et maintenues par des traverses clouées au revers. Le panneau est aujourd'hui affaibli par l'attaque d'insectes xylophages et sa structure est très altérée. En témoignent les planches écartées, cassées et fendues. La peinture proprement dite a été retouchée à plusieurs reprises et à des époques différentes ; elle a été aussi revernie comme l'indiquent les coulures sombres sur la main gauche du Christ.
Détail du tableau.
L'opération mise en place concerne le traitement sanitaire de l’œuvre, à savoir la privation d'oxygène (anoxie) afin d'éliminer les insectes et les larves. Le travail indispensable de conservation a été confié par la Drac et l'Agglomération, en accord avec la commune, à la restauratrice Danièle Aroso, spécialiste de peinture sur bois, qui proposera ensuite un protocole de restauration générale assorti d'une proposition pour un nouvel accrochage en sécurité et sûreté. L'ensemble de ces opérations vise à garantir la bonne conservation du tableau, à retrouver sa cohérence technique et esthétique et à présenter au public et aux fidèles un de rares « Monuments » du Languedoc et de l'Hérault dans son lieu d'origine.