Un site de première importance
Installé sur un promontoire dominant d’une dizaine de mètres la plaine de l’Hérault, le site de La Monédière est le siège d’un important habitat de la fin du premier âge du Fer. Occupé sans discontinuité entre le début du VIe siècle et la fin du Ve siècle avant notre ère, son émergence et son essor s’inscrivent dans un contexte marqué par le développement du commerce méditerranéen en Gaule méridionale.
Probable point de rupture de charge pour les embarcations remontant le fleuve depuis son embouchure, distante d’à peine 6 km, il bénéficie d’une position géographique très favorable, lui permettant de capter les marchandises acheminées depuis la mer par les négociants méditerranéens (Grecs, Etrusques) et d’assurer leur redistribution vers l’arrière-pays gaulois. Véritable pivot économique, il s’érige comme un centre majeur de la région, ayant pu accueillir, aux côtés des autochtones, des individus d’origine grecque.
Une agglomération protohistorique bien structurée
Les habitations absidiales de l’âge du Fer.
D’une étendue de près de 4 hectares, l’établissement est retranché, au moins dès la seconde moitié du VIe siècle avant notre ère, derrière une puissante fortification constituée d’une imposante enceinte fossoyée, large de 10 m et profonde de plus de 4 m, doublée d’une muraille à soubassement en pierre et à élévation en briques crues.
Le système défensif suit un tracé orthogonal sur lequel est calquée l’orientation de la plupart des habitations. Ce canevas urbain, totalement original en milieu indigène, sous-tend l’existence d’un programme de construction bien planifié, reflet d’une communauté suffisamment structurée pour adopter et respecter un schéma d’organisation préétabli.
En l’espace de 200 ans, l’habitat voit se succéder sans interruption chronologique sept phases d’occupation, parfois entrecoupées d’épisodes de destruction par le feu.
Ces phases de réaménagement s’individualisent notamment par la mise en œuvre de formes architecturales spécifiques, donnant naissance à des habitations tantôt absidiales tantôt rectangulaires.
S’exprimant sur un laps de temps relativement court, cette alternance de plans, pour laquelle on ne connaît pas d’exemple comparable dans le Midi de la France, résulte vraisemblablement de mécanismes d’ordre socioculturel dont l’existence souligne un peu plus la singularité de La Monédière.
La tombe d’un nouveau-né enterré dans l’habitat gaulois.
Un abandon ritualisé ?
Intervenant vers 425 avant notre ère, l’abandon du site s’accompagne d’un démantèlement méthodique de la muraille, dont les éléments sont basculés dans le fossé défensif qui est alors en grande partie comblé.
Précédant de peu cet évènement, les reliefs d’un important banquet sont déversés à l’intérieur d’une gigantesque fosse, atteignant près de 17 m de diamètre et 6 m de profondeur, implantée au sein même de l’habitat. Ces restes sont représentés par des restes de viande, se rapportant essentiellement à du bœuf, ainsi que par une très grande quantité d’amphores vinaires accompagnées de récipients pour certains complets voire intacts, principalement dédiés à la préparation, au service et à la consommation du vin. Leur présence suppose la participation de nombreux convives, dont une partie pourrait être en partie allochtone ainsi que le suggèrent les affinités qu’offrent ces dépôts avec certaines pratiques de commensalité à caractère rituel observées dans le monde grec.
Ces vestiges pour le moins exceptionnels laissent envisager une cérémonie de clôture du site impliquant l’ensemble de la communauté, dont une composante a pu se déplacer et s’établir dans la colonie d’Agathé (Agde) qui est précisément fondée à cette époque par les Grecs de Marseille.
De la préhistoire à l’Antiquité
La citerne d’époque romaine.
Dans le courant du IIe siècle avant notre ère, le site de La Monédière est réinvesti. Cette nouvelle occupation, qui perdure plusieurs siècles, semble prendre la forme d’un établissement plus modeste qu’auparavant, abritant un complexe thermal auquel pourrait être associée une citerne remarquablement bien conservée. Avec cet ensemble fonctionnent une voie carrossable ainsi qu’une petite nécropole à inhumation.
Les recherches récentes ont également permis de mettre pour la première fois en évidence une occupation beaucoup plus ancienne, attribuable au Néolithique final (entre 3000 et 2500 avant notre ère). Ces vestiges préhistoriques correspondent à des trous de poteaux pouvant marquer l’emplacement de bâtiments et à des niveaux de sol jonchés de vases fragmentés, d’ossements d’animaux et d’éclats de silex, témoignant d’activités de type domestique. Ils se rapportent à un petit habitat localisé à la pointe méridionale du promontoire.
La présence de ce dernier montre à quel point le site de La Monédière constituait, dès la Préhistoire, un lieu d’installation privilégié.
Les fouilles programmées actuelles
Fouilles 2018.
Depuis 2017, le site de La Monédière fait l’objet de fouilles archéologiques programmées, impliquant des universitaires, des chercheurs du CNRS et des archéologues de collectivités territoriales, encadrant chaque été des étudiants bénévoles issus d’université françaises et étrangères.
Deux principales zones de fouille, d’une surface totale de près de 600 m2, ont été investies. Elles permettent d’étudier l’ensemble des différentes périodes d’occupation du site.
Texte et photos : Alexandre Beylier.