(Un entretien avec M. Laurent Félix, responsable de la Conservation du Patrimoine à la Communauté d’Agglomération Hérault Méditerranée).
Lorsqu’Emmanuel Laurens hérite du domaine en 1897, la maison familiale est certes confortable et cossue mais pas extravagante comme elle l’est devenue plus tard. Mais le nouveau propriétaire veut faire de sa demeure quelque chose d’unique. Pour y parvenir il va dépenser sans compter et son temps et son argent. Les premiers travaux débutent en 1898 et ils dureront trois ans. L’extérieur n’est guère changé mais tous ses efforts se portent sur l’intérieur qui subit de profondes modifications avec des décors de style égyptien et une bonne part d’orientalisme, le tout agrémenté de mobilier moderne fabriqué sur commande (réalisé par Léon Cauvy). Les goûts d’Emmanuel Laurens le portent vers l’Art Nouveau et ils s’entourent alors d’artistes résolument modernes qui pour la plupart sont devenus ses amis.
« Dès que l’on pénètre dans la villa, et ce malgré l’état de dégradation du décor mural, on est vraiment dans une villa antique théâtralisée, on est vraiment dans un décor de théâtre, une folie qui fait penser à Pierre Loti avec cet univers mâtiné d’orientalisme, de voyages, et d’antiquités. Nous avons encore aujourd’hui sous nos yeux la vision d’un autre art de vivre ». (dixit Laurent Félix qui est en charge des recherches sur l’histoire de la villa Laurens)
Depuis l’achat par la commune d’Agde en 1994, le service du patrimoine de l’agglomération a entrepris de nombreuses recherches sur des archives liées au domaine. Le fonds de documents initial a « disparu » et a été emporté par les anciens propriétaires, c’est-à-dire toutes les archives personnelles d’Emmanuel Laurens Quand ils ont vendu à la commune, les anciens propriétaires ont vendu sans le mobilier. Grâce à des aides de l’Etat une partie de ce mobilier a pu être acheté mais le contenu ne faisait pas partie de la vente, les écrits et tout l’acquis d’une vie, celle d’Emmanuel Laurens, ont « disparu » à la vente de la villa.
Une partie du mobilier est actuellement visible au musée agathois Jules Baudou. Il a été acheté par la ville d’Agde et déposé au musée en attente de son retour dans la villa. En 2001, la ville a acquis du mobilier réalisé par le même artiste, Léon Cauvy, qui pourra s’intégrer dans la villa.
« Il y a trois modules au sein de la villa, tout d’abord le salon de musique (restauré), le corps de bâtiment central et l’appartement privé. C’est cet appartement privé qui est appelé à devenir un espace de reconstitution, de l’univers d’Emmanuel Laurens, à partir de la documentation que nous possédons ».
« Dans le reste de la villa, il n’est pas envisagé de le meubler mais de refaire les peintures murales, ce qui sera un gros travail passionnant car aucune pièce ne ressemble à une autre aussi bien sur le support que sur les motifs. Concernant l’escalier central qui est un endroit « phare », des colonnes en céramiques, représentant des éléphants, ont été rachetées par la communauté d’agglomération ».
« L’idée aujourd’hui c’est d’ouvrir toute la villa au public. Nous sommes actuellement en train de travailler sur les flux, les parcours du public. Le but sera d’ouvrir sur son aspect historique mais aussi de concevoir un projet culturel qui engloberait outre la visite du monument historique mais aussi un questionnement sur l’Art et sa pratique. C’est ça qui est très important et sur lequel nous travaillons actuellement ».
« Aujourd’hui tous les corps de métier ont été déterminés pour les 14 lots de cette restauration. Concernant les peintures murales, pas mal d’étapes de conservation préventive ont été réalisées. Les menuisiers vont aussi prochainement intervenir pour déposer la porte et le plancher doit être prochainement pris en charge ».
Le salon de musique dédié à Louise Blot, cantatrice et épouse d’Emmanuel Laurens, a fait l’objet d’un programme de réhabilitation dès 2007. Après 7 années de travaux, l’auditorium a été ouvert au grand public lors des Journées du Patrimoine en 2014.
La durée du chantier de restauration va s’échelonner jusqu’à fin 2019. Après les fondations et les planchers, les travaux concerneront les peintures murales.
Pour le jardin proprement dit, une étude paysagère est en cours de réalisation dans le cadre de la requalification du quartier de la gare qui prendra en compte le domaine de Belle-Isle et l’ensemble de la zone avec aussi le port fluvial.
Au cours de tout cet entretien et lors de la visite de la villa nous avons pu sentir que Laurent Félix est passionné par son travail et qu’il continue ses recherches avec un certain succès.
« Quelques archives refont petit à petit surface et des découvertes sont encore réalisées. Le fonds initial est encore récupérable et nous y travaillons. Mais surtout nous travaillons et nous valorisons ce que l’on possède déjà par des écrits, par des études scientifiques et par des recontextualisations historiques et même artistiques.
D’ici la fin de cette année (2017) nous allons proposer une très belle étude à l’appui de nouvelles documentations, de nouvelles photographies.
J’ai retrouvé encore de nouvelles informations concernant le propriétaire Emmanuel Laurens que nous allons remettre en forme pour le publier et qu’ainsi tout un chacun puisse se le réapproprier ».
« Agde-infos » s’efforcera de suivre la suite de cette restauration.
« Agde-infos » adresse un grand merci à Mr Laurent Félix pour son accueil et sa disponibilité ainsi qu’aux membres de la société CORREA.
Photos de la villa : Janet L. Clark
Jean-Marc ROGER.
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