Histoire de la cuisine sétoise par Jean Brunelin

Histoire de la cuisine sétoise

Jean Brunelin est LE spécialiste de la cuisine sétoise. Ce natif de la Pointe Courte a connu de multiples vies : docker, électricien, explorateur au Sahara, plongeur, photographe à Paris—Match, mais la cuisine l’a toujours passionné. A son retour de Paris, il crée « Le pêcheur de Lune » au Cap d’Agde puis le Croque Sel, resto qui devint très vite fameux (il y créa le premier championnat de monde de la macaronade) puis il s’exile à Ibiza mais revient à Sète pour diriger le restaurant de la Marine jusqu’à sa retraite. Au total 40 ans de cuisine ! Voici son histoire de la cuisine sétoise

La cuisine sétoise puise ses racines dans les plus anciennes civilisations méditerranéennes, celles qui s'installèrent tour à tour sur la cotes lagunaires de ce qui deviendra d'abord le 'Taurus palus" et lorsque les alluvions du Rhône formèrent un étang à l'époque romaine, le bassin de Taur et l'étang de Thau.

Dans la région de Mèze on trouve trace d'une importante occupation phénicienne de Carthage dès le VIIIème siècle avant J.C.

Puis les Grecs phocéens qui fondèrent Agathée Tyché et à leur suite les Romains attirés par les vertus curatives des eaux thermales du site de Maimona le Balaruc actuel, s'installent sur la cote nord du bassin de Thau et fondent de prospères cités... à cette époque la colline de Séte était une île et Méze, et Balaruc étaient des ports de mer....ce n'est que vers le début de notre ère que les alluvions du Rhône formerons un étang en reliant l'île de Séte à la terre par une frêle bande de sable....

Jusqu'au XVIIème siècle on ne peux pas considérer d'occupations définitives sur la presque île de Séte à part à l'époque romaine où sur le site du Barrou on trouve une petite industrie de salaison de poissons et les vestiges de ce que l'on peut considérer comme étant une fabrique de garum, un condiment très prisé du monde antique.

Au bas moyen age s'installeront quelques métairies d'agriculteurs sur la plaine saint Joseph mais pas encore de ville ou de villages ni d'occupation à caractère définitif.

Toutes ces grandes civilisations contribuèrent tour à tour à apporter leur savoir culinaire dans ce même creuset qu'est le bassin de Thau.
A leur suite les communautés de pécheurs de l'étang perfectionnèrent et pérennisèrent cet important patrimoine jusqu'à la création de la ville de Sète.C'est de cet héritage que profiteront les premiers habitants de la jeune citée arrivés au bord de l'étang à la fin du XVIIème.

Sous l'impulsion du roi Louis XIV naquit la ville de Séte et la première pierre fut posée en 1666.
Paul Riquet cherchait une ouverture sur la mer pour son canal du midi et Colbert souhaitait une place forte dans cette région car la marine Anglaise avait de projets velléitaires.
On construisit une rade et on creusât un canal pour relier l'étang à la mer.

Les premiers habitants vinrent de Catalogne, du nord du département et de Provence, et leurs tradition culinaires respectives vinrent encore grossir le patrimoine de l'étang de Thau déjà très riche. Les Catalans apportèrent la salaison des poissons, les provençaux les fruits et les légumes.

Coté mer on cassait les rochers de la colline pour construire la digue et coté étang les premiers pécheurs commençaient à s'installer sur une langue de terre appelée "la bordigue" du nom d'un engin de pêche installé à cet endroit.
Le nombre croissant des pêcheurs attira des petits chantiers navals et la bordigue s'organisât comme l'embryon social de la jeune ville alors qu'à la mer un quartier de maisons en dur se construisit pour loger les travailleurs de la jetée.

Au XIXème siècle lors de la construction du chemin de fer inauguré le 9 juin 1839 les travaux de terrassements firent obstacle aux pêcheurs de la bordigue et l'on décida de rejeter le produit du terrassement devant le chantier et former une pointe en prise directe sur l'étang ou les pêcheurs délogées par la construction de la voie ferrée pourraient installer leurs filets dans des cabanes et tirer leurs barques au sec.

Certains commencèrent à s'installer dans ce nouveau périmètre et le quartier de la pointe courte de la bordigue naquit et devint un quartier des pêcheurs à part entière qui aujourd'hui encore a su conserver jalousement sa personnalité marginale et ses recettes principalement basées sur l'apport de ses propres filets.
Cette communauté est arrivée à défendre sa propre gastronomie de toutes les influences étrangères car à l'instar des pêcheurs de la mer, les pêcheurs de l'étang sont principalement français et ce sont eux qui ont en premier bénéficié de l'héritage et de la tradition culinaire du bassin de Thau.

Les pêcheurs de l'étang étaient pauvres et savaient apprêter le produit de la pêche d'une multitude de façons très abouties car c'était leur seule ressource. On peut considérer sans se tromper que cette cuisine venues de l'étang de Thau est la véritable cuisine sétoise des origines celle que l'on sert encore dans les véritables familles de la pointe courte

Ce sont :

  • Les courts bouillons d'anguilles
  • Les anguilles en persillade ou en matelote
  • La soupe de Clavière et de crabe
  • Les fritures de cran mou
  • Les fritures de jols, de solettes ou de gobie
  • La daurade en gibelotte
  • Les soupes de moules
  • Les moules en différentes façons
  • La seiche avec des haricots ou des pommes de terre
  • Le poisson en gibelotte
  • Le riz aux clovisses
  • Les palourdes aux épinards

La création du canal du Rhône à Séte ouvert en 1811 jouât lui aussi un rôle prépondérant pour l'essor la de la cuisine Sétoise, il permit grâce une liaison constante entre Séte et la foire de Beaucaire un approvisionnement en marchandise telles que le riz de Camargue et les fruits et légumes de Provence jusque là assez rares sur les tables des premiers sétois.
De Beaucaire nous vint par les capitaines de barque la cuisson en bourride que les Sétois ne connaissaient pas et qu'ils ne tardèrent pas à développer jusqu'a en faire un des fleurons de leur cuisine d'aujourd'hui.
L'arrivée des premiers émigrés Italiens du golfe de Naples après la révolution française apporte un des maillons les plus importants au patrimoine déjà en place.
Plusieurs vagues d'émigrants chassé par le dénuement et les soubresauts politiques ont non seulement conduit à son terme leur incertaine odyssée mais ont trouvé à Sète une seconde patrie et construit une nouvelle petite Italie.
L'arrivée de ces étrangers sera toutefois accueillie avec réserve et pour se rassurer ces déracinés vont se regrouper au souras bas et au quartier haut à coté de la mer ou les pêcheurs sétois ne s'aventuraient pas car leur étang de Thau était paisible et poissonneux...

Les Italiens amenaient avec eux non seulement leur technique de pêche mais aussi la culture du macaroni et la cuisine de l'Italie du sud. La greffe prit magnifiquement car aujourd'hui ce sont en partie ces spécialités qui font la renommé de la cuisine Sétoise

à savoir :

  • La tielle de Gaeta
  • Les moules et encornets farcis de Gaeta
  • La cuisine des poissons qui ne se péchaient pas dans l'étang tels que le thon, l'anchois ou la sardine
  • Ils apportèrent la macaronade qui se codifiât à séte pour devenir une chose précise
  • La pasta fagioli et ses dérivés aux pois chiches et aux pommes de terre
  • La colatura di alici di Cetara
  • La liadine
  • Les tripes de thon etc! etc !

En 1962 les événements d'Algérie précipitèrent sur nos cotes des milliers de "pieds noirs" en majorité originaires d'Espagne et d'Italie, dont certains se fixèrent à Sète et nous firent découvrir la kémia, les brochettes, la frita, la coca, le couscous, la loubia et quelques gourmandises telles que la mouna et les mantecao.

À l'intérieur de leur très riche cuisine on retrouve un concentré de religions et de civilisations méditerranée grâce aux apports de la cuisine maghrébine, juive, berbère ou séfarade.
Tout cela vint encore grossir le patrimoine gastronomique Sétois et l'ancrer un peu plus dans une filiation Méditerranéenne très affirmée.

Cet apport fut la dernière pièce de la mosaïque qui consolida et finit de cimenter tous les éléments puisés au cours des âges afin de donner corps à la cuisine sétoise.

Toutes ces connaissances et traditions se diffusèrent dans l'acquis de la communauté sétoise et contribua amplement à faire ce que nous en connaissons aujourd'hui, une cuisine tournée vers la mer, une cuisine de plusieurs sud, une cuisine colorée et généreuse qui ressemble à la mosaïque des peuples qui l'on engendrée...elle est celle de la mer, la nôtre...la Méditerranée...

Jean Brunelin