Un entretien avec son directeur, Joël Julien, par ailleurs Président régional des oenologues de France
Créée en 1932, la cave de Pomerols a pris tous les tournants économiques pour reconvertir 1 700 ha à ce jour en vignobles fers de lance de l'AOP picpoul de pinet, d'IGP blancs et rosés. En opérant plusieurs fusions, se dotant d'outils de vinification, mise en bouteille et stockage, ainsi que de caveaux de vente, les Costières de Pomerols ont démontré leur capacité à s'adapter aux nouvelles conditions des marchés, y compris à l'export. Elles illustrent le nouveau souffle du secteur coopératif en Languedoc, en particulier en Pays de Thau. Plongée à l'intérieur de la cave à Pomerols, qui incarne avec le caveau de Beauvignac à Mèze, ultramoderne, les deux versants de cette réussite.
Thau-Info: Qu'en est-il du millésime 2015, qu'on prédit exceptionnel, à Pomerols ?
Joël Julien:
Le millésime 2015 a été, de par sa climatologie, particulier. Les conditions de vendanges, dans la zone du bassin de Thau, ont été un peu délicates, à cause d'un été sec en juillet, puis de pluies abondantes en août et septembre, qui ont retardé les maturités. Il a fallu être patient, gérer une certaine hétérogénéité au vignoble, l'état sanitaire et la fragilité des baies ... et le stress des vignerons. La climatologie de la seconde partie des vendanges a été beaucoup plus favorable, vent du nord, temps sec et ensoleillé ont levé les inquiétudes. Le millésime s'inscrit globalement dans les profils de produits que nous souhaitons: une belle expression aromatique, de l'élégance, de l'harmonie, des niveaux d'acidité et de fraîcheur intéressants pour les blancs et les rosés. Nous sommes très satisfaits de la qualité. Ces vins avec une belle typicité sont bien commercialisés, les premiers retours de nos clients, exports comme français, le démontrent.
Thau-Info: Pouvez-vous nous parler des AOP en blanc, qui sont productions phares ?
Joël Julien:
Dans notre zone, l'AOP emblématique est le picpoul de pinet, notre meilleur ambassadeur, notamment à l'export. C'est une production qui se développe, grâce au succès économique qu'elle rencontre. Mais le taux d'occupation de l'aire de production laisse peu de possibilités de reconversion de parcelles. La croissance du potentiel est donc limitée, elle va beaucoup moins vite que celle du marché. La totalité de la récolte est commercialisée, essentiellement en bouteilles, avec une très forte proportion à l'export. Le produit nous permet d'intéresser une clientèle amatrice de vins blancs, notamment sur les Etats-Unis et l'Angleterre, et de servir d'appel pour d'autres produits.
Thau-Info: Quelles sont les raisons de ce succès à l'export, selon vous ?
Joël Julien:
Il y en a plusieurs. Nous avons traversé une crise économique où le consommateur cherche à identifier des produits de très bon rapport qualité/prix, ce qui est le cas du picpoul de pinet. D'autre part, le vin est doté d'une véritable identité, qui s'exprime à travers son cépage atypique, sa bouteille personnalisée. Un travail, une réflexion par rapport à l'intégration du produit dans son environnement, son territoire ont été menés. La communication sur le picpoul de pinet "son terroir, c'est la mer", l'association du vin avec les crustacés, les fruits de mer, voire les poissons, qui paraissait un peu réductrice au départ, s'est avérée pertinente. Le produit répond aux attentes du consommateur. Notre originalité tient aussi à ce que nous sommes la seule grande appellation de vin blanc en Languedoc. Cette singularité est un atout, car notre zone de production est également très touristique, avec la proximité du Cap d'Agde. être un grand vin du Languedoc, d'origine France, attire à l'étranger, et nous prédispose à rencontrer un certain succès.
Thau-Info: Vous revenez récemment de Chine. Quelle est votre vision des nouveaux marchés ?
Joël Julien:
L'export, c'est le code génétique de l'entreprise, qui exporte depuis très longtemps. Elle l'a fait sur l'Europe et les Etats-Unis, qui sont maintenant des marchés matures. Le marché anglais s'est énormément développé ces six dernières années, il est devenu notre premier marché devant les Etats-unis. Pour découvrir de nouveaux clients, nous avons mis en place une politique sur l'Asie depuis cinq ans pour travailler davantage sur le Japon, où nous progressons, et sur la Chine, où la demande en vin blanc est encore faible, mais les évolutions rapides. L'important est d'y être présent, grâce à une commerciale sur Shanghai. Elle renforce notre efficacité, permet une meilleure compréhension de ce qui se passe sur le marché chinois, et fait un travail de prospection. Nous sommes prêts.
Thau-Info: Quels appuis recevez-vous pour vos démarches ?
Joël Julien:
Nous agissons dans le cadre des actions de Sud de France, nous étions à Shanghai avec eux, ainsi que dans le cadre de missions du CIVL, et des Budgets OCM/pays tiers. Nous avons mis en place des budgets sur les Etats-Unis, la Chine et le Japon, qui nous permettent de travailler vers ces pays lointains, où les déplacements demandent du temps et des moyens significatifs. Ils nous aident à être plus pertinents et plus présents pour rencontrer nos clients.
Thau-Info: Comment la cave de Pomerols s'est-elle adaptée aux nouvelles conditions du marché ?
Joël Julien:
Des stratégies ont été bâties, puis poursuivies durablement. Les vignerons des Costières de Pomerols ont souhaité développer, depuis les années 1990, l'activité conditionnée, convaincus que c'était la seule façon de pérenniser un revenu agricole, et de mieux vivre de leur savoir-faire. Ce travail a nécessité des investissements pour se doter de nouveaux outils de production. Un certain nombre d'indicateurs sont aujourd'hui au vert et accélèrent notre développement. La taille de l'entreprise, qui a un peu grossi, les vignerons qui plantent, investissent, font que la croissance interne de la structure, liée à sa bonne santé économique, met plus de volumes, commercialement conditionnés, à disposition. L'outil de production, déjà performant, est sans cesse amélioré. Nous avons des ratio à la fois de coûts de production et de rapport qualité/prix vraiment très bons. L'entreprise s'adapte vite aux conditions du marché. Notre volume de production nous permet, avec nos outils de conditionnement, de vinification, notre savoir-faire, nos équipes en place, de répondre aux demandes des clients. Nous travaillons avec des partenaires commerciaux (agents, distributeurs ou enseignes) qui maîtrisent la distribution et nous accompagnent dans notre développement commercial. Depuis presque trente ans, cela fonctionne bien: tout en restant sur une structure aux effectifs maîtrisés nous atteignons un chiffre d'affaire conséquent.
Thau-Info: ce succès de la cave de Pomerols peut-il être mis en lien avec le nouveau souffle de la coopération en Languedoc, en particulier ici, sur le bassin de Thau ?
Joël Julien:
Dans notre conception de la coopération, il s'agit avant tout d'une aventure humaine, et d'une mise en commun de moyens pour mettre en oeuvre des stratégies d'entreprise efficaces et performantes. Elle est un formidable outil pour aller plus vite, plus loin. Alors que l'investissement était souvent considéré comme une prise de risque, ou une part qui venait amputer la rémunération, nous constatons une mutation dans les mentalités. Les adhérents ont pris conscience qu'aujourd'hui la coopérative est aujourd'hui une entreprise, qui doit comme toute entreprise investir, se doter d'outils performants. C'est à ce titre qu'elle parviendra à capter de la valeur ajoutée, à valoriser son activité et bien rémunérer ses adhérents.
Thau-Info: Il a été beaucoup question, à la COP 21, de changements climatiques. Ressentez-vous ces changements? Envisagez-vous des méthodes pour vous en prémunir ?
Joël Julien:
Il est toujours difficile sur des échelles de temps aussi courtes d'affirmer des changements. Pour corriger les excès d'eau comme de sécheresse, qui ne sont pas bons dans noter métier, nous avons mené une réflexion sur l'accompagnement de la maturation du raisin, via un projet d'irrigation assez ambitieux sur le bassin de Thau. En relation avec Aqua Domitia, nous voudrions, à l'échelle de plusieurs coopératives, avec nos voisins de l'Ormarine et Florensac, capter l'eau du Rhône pour irriguer nos vignobles. Notre démarche s'inscrit non dans une logique productiviste, mais dans une approche qualitative de régulation du stress hydrique de la vigne, du mûrissement du raisin. Nous espérons concrétiser ce projet d'ici 2020.
Thau-Info: Pour terminer sur une note festive, quels vins conseillez-vous pour accompagner les repas de fin d'année ?
Joël Julien:
Les fêtes de fin d'année sont l'occasion de se retrouver en famille ou entre amis, d'apprécier des produits découverts dans l'année ou que l'on connaît bien. Le mariage du picpoul de pinet avec les fruits de mer est une bonne association. Je dirai plutôt les picpoul, car à l'intérieur de l'AOP, nous avons des styles différents à proposer. Si nous avons élevé ensemble le niveau qualitatif de cette 'appellation, chaque producteur a travaillé différentes expressions de ses propres terroirs. Nous produisons également, à Pomerols, des vins atypiques moelleux, en IGP Cotes de Thau, blancs, à base de piquepoule, particulièrement recommandés pour les foies gras. Nous sommes également gros producteurs de vins rosés, vins-plaisir agréables à l'apéritif ou pour accompagner des mets légers et certains desserts fruités. Ce sont nos trois produits-phares, complétés par une large offre de vins, qu'on retrouve sur nos deux points de vente à Mèze et à Pomerols. J'invite les clients à venir les déguster, les découvrir. C'est compliqué de parler de tous ses enfants, comme on les aime tous!
Thau-Info: Comment va se passer la commercialisation du millésime 2015?
Joël Julien:
Elle a déjà commencé. Nous avons eu pas mal de ruptures sur le millésime 2014, liées à la faible production. Nous avions besoin d'une belle récolte, ce qui est le cas, et de la commercialiser rapidement. Aujourd'hui, plusieurs vins blancs sur le marché, l'AOP picpoul de pinet, les rosés Cotes de Thau, les rosés de grenache et les chardonnay, sauvignon, viognier en pays d'Oc. Nous sommes allés relativement vite, un peu à l'inverse du marché vrac qui démarre plus tranquillement.
Thau-Info: Les fêtes se passeront avec le millésime 2015 à Pomerols?
Joël Julien:
Oui, sauf pour les rouges qui attendront encore.
Propos recueillis par Florence Monferran
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Les Costières de Pomerols en quelques chiffres
- 1 700 ha
- 350 coopérateurs environ
- 132 000 hl en 2015
- 81 % de blancs et de rosés
- 26 000 hl en AOP picpoul de pinet,
dont 60 à 70 % vendus à l'export IGP Oc et IGP Cotes de Thau
Costières de Pomerols Avenue de Florensac 34 810 POMEROLS 04 67 77 89 94
Caveau de Beauvignac Route de Pézenas 34 140 MEZE 04 67 43 80 48
Mél: Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. Site internet: www.cave-pomerols.com
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Marché vrac: vin vendu en citerne
Marché conditionné: vin vendu conditionné, en bouteille ou en bag-in-box (BIB)CIVL: Comité interprofessionnel des Vins du Languedoc
OCM: Organisation commune du marché vitivinicole